Mesdames et Messieurs les Ambassadeurs,
Mesdames et Messieurs,
La Conférence des ambassadeurs est un événement clé : il nous permet de dresser un état des lieux et de développer conjointement des idées pour la future politique extérieure. Je suis donc heureux d’ouvrir cet événement ce matin.
Il est important de souligner le mot «conjointement ». En général, nous nous rencontrons plutôt à un niveau individuel, comme dans le cadre de la quarantaine de voyages que j’ai effectué en tant que ministre des affaires étrangères ou dans le cadre des plus de 180 rencontres avec des ministres ou chefs d’Etat ou de gouvernement que j’ai eues depuis lors..
Il est nécessaire de mener un travail de préparation collectif pour tirer le meilleur de ces différents voyages et de ces rencontres et promouvoir efficacement les intérêts et les valeurs de la Suisse. La politique étrangère est un travail d’équipe en réseau. Pour que ce travail rencontre du succès dans le monde actuel, je vois trois clés : l’anticipation, la coopération et l’innovation, j’y reviendrai au fil de ce discours. Mais avant cela j’aimerais donc vous remercier tous de votre engagement et de votre excellent travail au service de la Suisse.
La Conférence des ambassadeurs est une belle opportunité de renforcer cet esprit d’équipe et de discuter ensemble de la manière dont la Suisse peut encore mieux défendre ses intérêts et promouvoir ses valeurs en matière de politique étrangère.
Beaucoup d’entre vous sont venus spécialement de l’étranger pour y assister. D’autres, comme moi, n’avaient qu’un court trajet à effectuer.
L’an prochain ce sera un peu différent vous le savez puisque nous aurons la chance de siéger au Tessin, notre Consul général à Milan sera donc géographiquement plus proche que ses collègues de Berne, lors de cette prochaine édition.
Mais restons en 2013 : à tous, je souhaite très cordialement la bienvenue. J’aimerais saluer spécialement les intervenants externes qui ont bien voulu apporter leur contribution : merci de partager votre expertise et vos analyses avec nous.
La Conférence de cette année est consacrée à la sécurité. Nous allons réfléchir au positionnement et aux réactions de la Suisse aux risques et défis actuels de la politique étrangère et de sécurité.
La stabilité, la sécurité et la paix constituent les fondements de la liberté et de la prospérité.
C’est pourquoi la politique de sécurité étrangère joue un rôle central dans la politique étrangère de la Suisse, comme il ressort du thème « Stabilité à l’intérieur de l’Europe et au-delà » qui constitue le 3e axe de la stratégie de politique étrangère 2012-2015 du Conseil fédéral.
Mesdames, Messieurs, chers collaborateurs,
Nous vivons dans un monde merveilleux… et dangereux ! Un monde capable du meilleur comme du pire. Un monde qui peut réussir sa métamorphose en faveur des générations futures, mais qui peut aussi manquer ce virage, celui de la responsabilité…
Ce monde c’est celui que j’ai pu voir se refléter au cours des 12 derniers mois. Dans le regard si mature et plein d’espoir des enfants des bidonvilles de Bogota ou de Bangkok. Dans le regard plein d’avenir et de projets des enfants qui montent à bord des bus scolaires - peints en orange - que la Suisse finance en Lettonie – bus que nous avons utilisé pour les déplacements de la délégation cet été. Mais un monde qui se reflète aussi dans le regard trop triste ou désillusionné des enfants du Burundi ou des jeunes sans emplois du Portugal, qui manquent par trop d’opportunités d’avenir.
La Suisse, sa politique étrangère aussi, doit prendre sa part de responsabilité dans ce monde global où un problème ici a presque toujours des conséquences ailleurs…
Un monde en mutation rapide
Si l’on essaie de cerner le monde actuel en quelques grands traits et qu’on le compare à l’époque – encore récente - de la guerre froide, on constate aujourd’hui
• une mutation rapide et par moments profonde des équilibres,
• une complexité et une diversité croissantes et
• de grands impondérables.
Il existe diverses explications à cela. Mais un facteur central est sans aucun doute la mondialisation qui entraîne une diffusion et une redistribution du pouvoir. Les relations internationales s’en trouvent modifiées durablement, et ce sous trois aspects:
Tout d’abord, dans le système mondial, les rapports de force se décalent en faveur des pays du Sud et des pays émergents : selon le Rapport sur le développement humain 2013, les pays en voie de développement ont presque doublé leur part dans le commerce mondial des marchandises depuis 30 ans, la faisant passer de 25 % à 47 % (1980-2010).
C’est une bonne nouvelle. Cela signifie que les déséquilibres entre les Etats diminuent et qu’un nombre toujours croissant d’individus sortent de la misère.
En même temps, il faut affronter de nouveaux défis : le climat, les ressources, mais aussi les légitimes aspirations vers plus de démocratie.
En outre, on constate que, alors que depuis la seconde guerre mondial des règles de droit avaient réussi de plus en plus à réguler – et donc à civiliser – les rapports internationaux, le droit du plus fort s’impose à nouveau davantage dans un monde plus multipolaire, ce qui n’est à la faveur ni de l’équilibre global, ni des petits et moyens Etats. Dans le contexte actuel de crise économique et de l’endettement, cette tendance s’est accentuée. La Suisse, qui s’engage de longue date pour la primauté du droit sur la force, doit s’opposer à cette tendance, ce qu’elle fait activement.
Dans le cadre de la mondialisation, on constate aussi que les acteurs non étatiques élargissent leur influence. Les ONG ou les multinationales peuvent assumer un rôle mais aussi des responsabilités importantes, comme dans les processus de paix ou les questions environnementales.
Malheureusement, il existe aussi un nombre croissant d’acteurs non étatiques violents, comme les groupes de rebelles, les réseaux terroristes ou les organisations criminelles, qui sont devenus une menace pour la paix, la sécurité et la prospérité des personnes dans le monde.
Enfin, l’individu joue un rôle plus important que jamais. Et un pays aux racines aussi profondément libérales que la Suisse, qui encourage par conviction et par expérience la liberté et la responsabilité des individus ne peut que s’en réjouir.
Internet a changé nos vies, la communication et l’accès à l’information, la recherche – c’était son but premier – et même notre environnement politique et le rapport du citoyen à l’Etat et à la société. On constate que dans beaucoup d’endroits où cela n’était pas possible – ou plus difficile – auparavant les citoyens défient les abus des autorités avec davantage d’assurance et d’efficacité.
Les nombreux mouvements de protestation dans les pays arabes et dans diverses autres régions ont des causes différentes, mais au fond, il s’agit toujours de revendiquer les droits fondamentaux, la liberté, le respect, la dignité, une bonne gouvernance et de meilleures perspectives économiques. Il s’agit de rallumer la flamme de l’espoir en un avenir meilleur.
On voit hélas que parfois le contre-feu est brûlant. La crise terrible en Syrie - qui s’est transformée en enfer - et la dégradation plus qu’inquiétante de la situation en Egypte nous le rappellent cruellement.
Les personnes qui se sont levées dans ces pays revendiquent quelque chose qui semble évident : que la politique, l’Etat, soit au service de l’individu, et non l’inverse. L’engagement courageux de ces personnes pour une vie plus digne nous rappelle, dans les démocraties occidentales, que la liberté ne va pas de soi. La liberté doit toujours être durement acquise et elle mérite d’être activement défendue. Ne l’oublions jamais.
Le monde globalisé n’est pas seulement marqué par un nombre croissant d’acteurs influents mais il est aussi devenu plus complexe et plus imprévisible.
La mondialisation a aussi largement contribué à l’internationalisation de nombreux défis, qui demandent ainsi à ce qu’on s’attèle à les résoudre en commun. Cette nécessité de coopération croissante vaut pour tous les acteurs et peut être considérée comme une chance.
L’interdépendance croissante des Etats peut favoriser la coopération, mais aussi atténuer les conflits. Aujourd’hui, la probabilité d’une guerre entre les grandes puissances est heureusement devenue faible.
La Suisse doit contribuer à façonner le monde de demain et assumer des responsabilités en ce sens.
Quelles conclusions la Suisse doit-elle tirer de ce bref survol géopolitique ?
Pour moi, il n'y a aucun doute : si, dans ce contexte dynamique, complexe et imprévisible, la Suisse souhaite sauvegarder ses intérêts fondamentaux, ceux proclamés dans sa Constitution, à savoir son indépendance, sa sécurité et sa prospérité, elle doit s’engager pour contribuer à façonner ce contexte et à concevoir les réponses communes aux défis globaux.
La Suisse doit donc s’engager et assumer ses responsabilités. Elle doit défendre ses intérêts et ses valeurs et elle ne le fera jamais mieux qu’en restant ouverte sur le monde. Agir autrement c’est courir le risque qu’on nous impose des réponses dont nous ne voulons pas.
La Suisse doit aussi se montrer solidaire et promouvoir ses valeurs, à travers le secours aux populations dans le besoin et la lutte contre la pauvreté, le respect des droits de l'homme et du droit et de l’action humanitaires, la promotion de la démocratie et de la coexistence pacifique des peuples, ainsi que la préservation des ressources naturelles.
La défense de nos intérêts et le rayonnement de nos valeurs exigent de notre part action et prise de responsabilités.
C'est là la voie à suivre pour notre pays, le Conseil fédéral en est convaincu : Dans la stratégie de politique extérieure de la Suisse, il a défini quatre grands axes en fonction desquels la Suisse doit articuler son action et prendre des responsabilités.
Nous en avions discuté de manière approfondie lors de la dernière Conférence des ambassadeurs.
Il s'agit pour nous :
1. de développer les contacts avec nos pays voisins;
2. d'aménager et d'approfondir nos relations avec l’Union européenne en préservant notre marge de manœuvre politique et nos intérêts économiques;
3. de contribuer à la stabilité en Europe et au-delà;
4. de développer nos relations avec des partenaires stratégiques et des pays émergents, tout en renforçant notre engagement pour une meilleure gouvernance mondiale.
Pour appliquer efficacement cette stratégie nous devons utiliser trois clés, trois principes qui guident notre travail:
nous devons anticiper, coopérer et innover
Anticiper et comprendre les évolutions géopolitiques est plus que jamais une nécessité. Or cette tâche n'a jamais été aussi difficile.
Chères Ambassadrices et chers Ambassadeurs, vous êtes, pour la Suisse, des antennes géopolitiques de premier ordre. Malgré les impératifs de notre travail de tous les jours, chacun d'entre nous, au sein du Département fédéral des affaires étrangères - tout comme ceux d’entre vous qui sont actifs au sein d’autres Départements - tous nous devons garder à l'esprit notre stratégie à moyen et long terme.
Je pense par ailleurs qu’il est utile de renforcer, par une structure adéquate, les capacités de planification stratégique et d’analyse du DFAE, si nous voulons être à même de mieux anticiper et d’orienter notre politique extérieure en fonction de nos objectifs stratégique. Je vous prie de réfléchir à cette question lors de la présente Conférence des ambassadeurs et de nous faire partager votre expérience et de nous communiquer vos idées pour mener à bien cette entreprise.
La capacité d'anticipation du DFAE dépend aussi de son étroite collaboration avec le Service de renseignement de la Confédération. Les analyses et les prévisions du SRC constituent une base précieuse pour notre travail.
De même, les échanges avec les think tanks, ces laboratoires d'idées, et les organisations non gouvernementales, sont des outils précieux qui nous permettent de prendre les devants.
Deuxième clé : coopérer. Cela recouvre pour moi deux réalités : la première est la coopération avec d’autres pays sur des objectifs spécifiques. La Suisse ne saurait atteindre un grand nombre de ses objectifs qu'en trouvant des partenaires pour l’appuyer.
Nous pourrons ainsi expliquer au Parlement lors de la prochaine session les progrès énormes que la Suisse, appuyée par un groupe d’Etat ayant le même avis (like-minded), a pu promouvoir à New York pour que le système des sanctions à l’égard d’Al Qaïda reste efficace contre le terrorisme mais tout en garantissant beaucoup mieux compte les procédures d’un Etat de droit pour les personnes concernées (ce que la Cour de justice de l’UE a d’ailleurs rappelé dans un arrêt récent). Il y a eu un bon travail de la Mission et de la DDIP. Mais de tels progrès – si nécessaires qu’ils en avaient ému le Parlement qui avait adopté une motion à une majorité écrasante – auraient été impossible si la Suisse avait agi seule.
Ni de l'UE ni de l'OTAN, la Suisse n'est rattachée à aucun pôle géopolitique, même si, indéniablement, elle fait partie de l'Europe et partage les valeurs occidentales. Ce positionnement dans le monde est une chance, qui nous permet de nous positionner différemment dans nos relations politiques et économiques extérieures. Une chance qui exige toutefois de la Suisse un engagement particulier : elle doit travailler plus que d’autres si elle souhaite sauvegarder efficacement ses intérêts et ses valeurs.
Mais en Suisse nous aimons le travail et le travail bien fait !
Le fait de n'être rattachée à aucune grande puissance mondiale ménage à la Suisse une marge de manœuvre et lui permet de choisir ses partenaires en fonction des problématiques abordées. Notre neutralité nous laisse une grande liberté dans ce domaine.
La Suisse doit donc non seulement tirer parti des opportunités de coopération qui se présentent, mais elle doit aussi les développer activement, comme nous avons, p.ex. choisi jeudi dernier d’augmenter notre coopération avec la Slovaquie, au sein de l’ONU, en matière consulaire ou encore au sein du Groupe de Višegrad. Ce voyage à Bratislava qui fut un succès car il nous a permis de développer de nouvelles coopérations concrètes. Cela a été possible grâce au bon travail de la Division DEACO et de l’Ambassade, mais aussi de nombreux autres acteurs du Département, dont la direction consulaire.
La promotion de nos valeurs passe souvent par des alliances avec des partenaires européens. Mais de nombreux Etats dans d'autres régions du monde partagent également nos vues. Je pense par exemple au Costa Rica ou à Singapour, pays avec lesquels la Suisse s'est associée pour demander une réforme du Conseil de sécurité de l'ONU.
Je pense aussi à notre étroite coopération avec le Burkina Faso, qui dirige la médiation régionale de la Communauté économique des Etats de l'Afrique de l'Ouest afin de trouver une issue à la crise au Mali.
S'allier avec des partenaires non occidentaux s'avère souvent indispensable pour faire avancer nos idées et venir à bout des défis qui se posent à nous aujourd'hui.
Mais il n’y a pas que la coopération entre Etats : la coopération et la coordination au sein du DFAE et parmi les différents organes de la Confédération est elle aussi indispensable.
Face à la complexité de nombreuses problématiques, adopter des approches d’ensemble et coordonnées se révèle décisif. Le DFAE a un rôle important à jouer. Ces efforts servent les intérêts de la Suisse, car pour être efficace, il faut que la main droite sache ce que fait la main gauche.
La question de l'eau, qui est l'un des enjeux essentiels de notre politique extérieure, constitue un bon exemple d'approche d’ensemble et coordonnée. L'accès à l'eau potable est un thème central de la coopération au développement et la DDC fait un travail remarquable en cette matière. Mais l'eau peut également être source de conflits et doit donc faire l'objet d'une politique de sécurité. La coopération dans le domaine de l'eau peut aussi s'avérer propice à la paix entre deux Etats, tout comme elle est un thème central dans les questions d’alimentation, d’environnement et d’énergie. Au fond l’eau touche tout et s’infiltre partout, aussi en diplomatie !
Une stratégie de l'eau doit non seulement répondre à des impératifs de politique du développement, mais également de politique de sécurité.
Dans le domaine de l'eau, la Suisse peut et doit jouer un rôle d'avant-garde.
L'eau n'est pas le seul domaine qui requiert une approche globale. D'autres enjeux nous occupent: je pense par exemple à la stratégie de lutte contre le terrorisme.
Enfin il faut innover. C’est la troisième clé du succès. De nombreux palmarès internationaux soulignent que la Suisse est le pays le plus innovant du monde.
Je citerai en exemple le Human Brain Project basé à l'EPFL, consacré à la recherche sur le cerveau humain. Il est devenu un des deux « flagship » de la recherche européenne. Rien d'étonnant à ce que les Etats-Unis et la Chine aient emboîté le pas et aient - quelques jours seulement après la décision européenne – déclaré vouloir lancer eux aussi de vastes programmes de recherche dans ce domaine. Rien d’étonnant, mais cela nous en dit tout de même long sur le niveau exceptionnel de la recherche suisse qui a tout simplement défini l’agenda mondial en la matière !
Voilà de quoi nous inciter à redoubler d'efforts dans le domaine de la diplomatie scientifique. La science suisse peut nous ouvrir des portes dans le monde, elle peut aussi nous donner des clés pour répondre aux grands défis. Quant à la diplomatie suisse elle peut aider à créer des ponts entre instituts de recherche de Suisse et du monde.
Je suis convaincu que la Suisse peut et doit aussi être une force d’innovation en politique étrangère.
A maintes reprises, elle a prouvé qu'elle ne manquait pas d'idées. Je pense par exemple à l'initiative de Genève, qui propose des solutions réalisables pour de nombreux points de litige du conflit au Proche-Orient.
Actuellement, une réflexion a lieu sur les moyens de compléter cette initiative, afin de trouver des solutions concrètes aux négociations de paix en cours. C’est un excellent travail que la Division géographique et la Division sécurité humaine fournissent.
L'engagement contre l'impunité dans la guerre civile syrienne en est un autre exemple. Notre pays, qui souhaite que le cas syrien soit déféré à la Cour pénale internationale, a entre-temps gagné 57 Etats à sa cause grâce à un bon travail de la DOI et de nos missions.
Le fort potentiel novateur de la Suisse réside notamment dans sa neutralité. En effet, en tant qu'Etat neutre au sein d'un monde multipolaire, elle a la liberté d'agir en toute indépendance. Plus souple, elle peut s'adapter rapidement aux changements de la conjoncture internationale. Forte de son important réseau de représentations et de ses nombreux contacts à l'étranger, et grâce à sa politique de dialogue, la Suisse peut se permettre des approches innovantes. L'innovation n’est pas un but en soi, mais seule une politique extérieure novatrice et créative nous permettra de réaliser notre vocation de pays médiateur.
Et ce n'est qu'à travers ce rôle de médiateur, facilité par son statut de pays libre sur la scène internationale, que la Suisse pourra véritablement apporter une valeur ajoutée.
Un autre point important pour le Conseil fédéral est que cette capacité d'innovation se reflète en faveur de la Genève internationale. Genève peut apporter beaucoup à la politique extérieure de la Suisse.
Avec ses compétences uniques en matière de santé, de droits de l’homme, de commerce et de travail, de paix et de sécurité ainsi que d’environnement, elle peut apporter beaucoup à un monde en quête de solutions globales.
Avec notre nouvelle stratégie, préparée en commun entre la Confédération, le canton et la ville de Genève, pour la première fois depuis 1995, nous voulons rendre Genève plus attractive, grâce à de meilleures conditions matérielles, grâce à une plus grande valeur ajoutée intellectuelle et grâce à une approche innovante et orientée vers l’avenir. En résumé des meilleurs toits, plus des cerveaux et des jumelles pour voir loin. L’ouverture prochaine de la Maison de la Paix, sera une étape marquante dans ce processus.
Insuffler des idées qui reflètent nos valeurs, à savoir la liberté, la justice et la paix, constitue à la fois une responsabilité et une chance pour la politique suisse. A nous de saisir cette chance et d'assumer cette responsabilité. C'est pourquoi je m'adresse à chacun d'entre vous : faites preuve d'innovation et sortez des sentiers battus ! La Suisse en sortira grandie, même si toutes les idées ne sont pas forcément des solutions miracles.
La politique de sécurité extérieure de la Suisse est pertinente et orientée vers l’avenir
Mesdames, Messieurs,
Quels sont les enseignements à tirer de l’analyse de la situation et des conséquences que j’ai évoquées pour la politique de sécurité extérieure de la Suisse ?
Soulignons tout d’abord qu’il est dans l’intérêt de notre pays d’œuvrer activement en faveur de la sécurité et de la paix. La Suisse a donc tout intérêt à poursuivre une approche de sécurité globale axée tant sur les thèmes classiques de la politique de sécurité internationale que sur la sécurité humaine, cette dernière se focalisant sur la dignité et la protection des personnes.
La sécurité passe par la coopération avec des pays partenaires, des organisations internationales ainsi que des acteurs non étatiques. Pour le DFAE, il est en outre essentiel de se coordonner étroitement avec le DDPS et d’autres acteurs suisses en matière de sécurité. C’est pourquoi le DFAE doit participer de manière active et constructive à l’élaboration des rapports sur la politique de sécurité.
Toute une série d’autres conclusions s’impose :
Premièrement: la Suisse doit renforcer la capacité d’action des organisations internationales, en assumant ses responsabilités en la matière.
En 2014, notre pays assurera la présidence de l’OSCE, une tâche exigeante à la lumière de tensions croissantes entre la Russie et le monde occidental et des conflits qui perdurent au niveau sous-régional. Nous nous emploierons à établir des ponts, au travers d’approches innovantes.
Les travaux préparatoires sont en bonne voie. Je trouve exemplaire la manière dont nous avons défini et synthétisé nos objectifs, valeurs et priorités en vue de cette année de présidence (synthèse stratégique, concentration sous forme d’un tableau sur une seul page). Un bon travail de la Task force dont je vous invite à vous inspirer pour l’élaboration de stratégies dans d’autres domaines.
Pour notre présidence à l’OSCE, nous nous focaliserons aussi bien sur la sécurité des Etats que sur le bien-être des personnes. Nous voulons apporter notre pierre à l’édifice d’une communauté de sécurité au service des populations. Dans le cadre de nos présidences successives, nous officierons en étroite collaboration avec la Serbie – un exemple de politique étrangère innovante susceptible de donner à l’OSCE une plus grande durabilité et une meilleure planification.
Nous ambitionnons aussi d’accroître la capacité d’action de l’OSCE en consolidant son secrétariat général, en renforçant ses capacités de médiation et en favorisant une plus grande participation de la société civile.
La jeunesse, en particulier, doit être davantage associée. En organisant un forum de la jeunesse nous voulons familiariser les jeunes avec l’OSCE, tout en apprenant à mieux connaître leurs attentes et besoins spécifiques.
Toute politique a pour but d’accroître les perspectives des générations à venir. Notre action de politique extérieure doit se concentrer davantage sur la jeunesse. Ainsi, j’ai demandé de renforcer l’engagement de la Suisse dans le combat contre le recours aux enfants soldats. Une stratégie sera développée à ce propos et des actions mises en place et je remercie d’avance la DSH, la DDIP et la DDC de leur travail en cette matière.
Mais revenons aux organisations internationales : En Europe, le Partenariat pour la paix de l’OTAN reste, pour nous, un important cadre de coopération qu’il convient de développer davantage par un engagement innovant. Ainsi, la Suisse examine actuellement les moyens de renforcer la collaboration entre l’OTAN et ses six partenaires d’Europe de l’Ouest. Nous examinons également la possibilité de renforcer notre collaboration dans le domaine des nouvelles menaces, telle la cybercriminalité.
Au plan international, nous menons une politique active au sein l’ONU, contribuant par là même à renforcer l’efficacité et – compte tenu des nouveaux rapports de force internationaux – la légitimité de l’organisation mondiale.
A l’ONU, les possibilités qui nous sont données de former diverses alliances portent particulièrement leurs fruits. En se portant candidate au Conseil de sécurité de l’ONU (2023/24), la Suisse donne un signal fort de sa volonté d’assumer une responsabilité au plan international, notamment en œuvrant pour la paix, la sécurité et la médiation.
Merci en particulier à la DOI, à nos Missions, à la DDIP, à la DPS, à la DSH, à la DDC, à la DPES et à d’autres pour leur engagement au service de la Suisse au sein de l’ONU.
Deuxièmement : le développement de la promotion de la paix s’inscrit dans l’intérêt de la Suisse. Pays neutre sans passé colonial, la Suisse peut contribuer de manière crédible à la paix et à la sécurité. Dans ce domaine, nous nous sommes dotés, ces dernières années, d’un vaste éventail de capacités et de savoir-faire.
Nous pouvons ainsi participer globalement à la résolution de conflits et à la promotion de la paix, offrir nos bons services et faire valoir notre expérience en matière de médiation. Il me tient à cœur de poursuivre notre engagement en faveur des droits de l’homme, que ce soit pour l’abolition de la peine de mort ou pour le respect des principes des droits de l’homme par les entreprises actives dans les matières premières. Le fait qu’une très grande entreprise d’extraction basée en Suisse a déclaré récemment vouloir adhérer aux principes volontaires que la Suisse préside est un signal très positif.
Cela souligne tout l’intérêt à travailler le plus possible non par des contraires mais par des partenariats.
Je remercie en particulier la DSH qui a fait un travail remarquable avec ses partenaires du Seco et du SIF dans ce domaine.
Le Mali illustre aussi bien l’engagement global de la Suisse, puisque nous y menons une politique de développement, de promotion de la paix et d’action humanitaire active. En soutenant le dialogue politique au Mali, la Suisse a en outre contribué à la tenue, fin juillet, d’élections présidentielles exemptes de violence et, à l’instauration de nouvelles perspectives positives pour la population.
Dans un esprit de pérennité et de résolution globale des conflits, il est important que la Suisse participe à la mission de stabilisation de l’ONU par l’envoi de huit militaires non armés. Cette décision prise par le Conseil fédéral la semaine dernière témoigne dans le même temps de la bonne collaboration entre le DFAE et le DDPS.
Troisièmement : la Suisse a consolidé sa politique de développement en augmentant, par décision du Parlement, à 0,5 % du revenu intérieur brut l’aide au développement d’ici 2015. Notre pays accroît ainsi sa responsabilité en la matière au moment où d’autres pays opèrent des coupes en raison de la crise financière. Un tel engagement de la Suisse est apprécié et reconnu.
La coopération au développement et l’aide humanitaire donnent de l’espoir aux gens et ouvrent des perspectives pour leur permettre de vivre dans la dignité. Un engagement pertinent aussi pour la politique de sécurité, car dans les pays en développement non plus, il n’y a pas de développement et de croissance sans sécurité.
Ce constat a incité le Conseil fédéral et le Parlement à faire de la stabilisation des pays et régions fragiles une priorité de la coopération internationale de la Suisse. Une tâche hautement complexe qui exige de l’anticipation, une grande coordination et de l’innovation. A la croisée de la coopération au développement, de l’aide humanitaire et de la politique de sécurité, il faut savoir penser hors des sentiers battus – pour le bien des personnes concernées.
Quatrièmement : plus que jamais, il est dans l’intérêt de la Suisse de s’engager avec force pour la promotion et le développement du droit international. Dans ce domaine, notre pays s’est déjà profilé à plusieurs reprises comme un grand promoteur d’idées. J’évoquerai ici le lancement, avec le CICR, des deux initiatives pour une réglementation internationale des sociétés militaires et de sécurité privées et pour le renforcement du respect du droit international humanitaire. Un bon travail de la DDIP en particulier.
D’autres mesures innovantes seront nécessaires pour que les Conventions de Genève et d’autres normes internationales puissent, dans le contexte actuel, obtenir la reconnaissance qu’elles méritent.
Il vaut la peine de lutter pour la primauté du droit sur la force !
Cinquièmement : la Suisse peut et doit promouvoir des idées en ce qui concerne les nouvelles menaces, et rechercher pour ce faire des alliances avec des Etats partenaires.
Je pense par exemple à notre politique de lutte contre le terrorisme, en particulier à notre engagement contre le versement de rançons en cas de prise d’otages, ainsi qu’à nos efforts pour une plus grande efficacité de l’ONU dans la lutte contre le terrorisme. La DPS et la DDIP font ici un travail remarquable.
Mais il est aussi d’autres domaines, comme la cybercriminalité ou le crime organisé, qui appellent une action et une coopération renforcées en matière de politique de sécurité. Autant de points pour lesquels il faut trouver le juste équilibre entre liberté et sécurité.
Sixièmement : il importe de souligner la force de notre engagement pour une réduction des armes dans notre monde multipolaire. Aujourd’hui, le désarmement nucléaire, la non-prolifération et la sécurité nucléaire sont des enjeux majeurs de notre politique de sécurité extérieure.
De même, la Suisse s’engagera en faveur d’une réactivation de la maîtrise des armements conventionnels en Europe, ainsi que d’une entrée en vigueur rapide du traité international sur le commerce des armes.
Avec les tables rondes de Chambésy et de Zermatt, nous avons en outre créé des plateformes innovantes pour les dialogues sur la sécurité dans la zone euro-atlantique et Asie-Pacifique.
Enfin, septième conclusion : force est de reconnaître que, dans un monde globalisé, l’assistance étatique en faveur des Suissesses et des Suisses de l’étranger ne cesse de gagner en importance. Plus de 700 000 ressortissants suisses vivent aujourd’hui à l’étranger, tandis que les Suissesses et les Suisses effectuent 16 millions de voyages à l’étranger chaque année. Là aussi la Suisse mène une politique innovante grâce à l’action de la Direction consulaire et au travail inlassable de nos représentations.
A la lumière de ces chiffres, l’augmentation des situations d’urgence et des cas d’enlèvement touchant des ressortissants suisses n’est guère étonnante. Avec le Centre de gestion des crises, nous disposons d’un organisme capable d’anticiper et de réagir de manière rapide et concertée. D’autres offres innovantes de la Direction consulaire, à l’instar de la « helpline » ou du site Itineris, sont autant d’éléments visibles de notre soutien à la mobilité croissante des Suissesses et des Suisses. Et autant de preuves d’une action innovante, coopérative et visionnaire.
Les exemples cités montrent que la Suisse s’engage de maintes façons en faveur de la paix et de la sécurité, en faveur de la liberté et des opportunités de développement des populations.
Il faut toujours placer l’humain au centre : telle est la réponse de notre pays à l’évolution rapide, à la complexité et aux impondérables qui caractérisent notre temps.
La politique de sécurité extérieure de la Suisse est juste et pertinente. C’est pourquoi je suis intimement convaincu que nous devons poursuivre avec résolution et entrain sur la voie engagée, sans jamais perdre de vue nos valeurs.
Une politique européenne fondée sur l’anticipation, la coopération et l’innovation
Mesdames, Messieurs,
Un autre enjeu majeur est celui de notre relation avec l’UE. Là aussi nous devons anticiper, coopérer et innover.
La voie bilatérale demeure le meilleur instrument pour la conduite de nos relations avec l’UE. L’orientation générale prise par la politique européenne de la Suisse au cours des deux dernières décennies est la bonne. Mais il nous faut consolider et renouveler la voie bilatérale pour qu’elle reste porteuse et tout simplement possible à long terme.
S’il y a analogie avec les propos que je viens de tenir, ce n’est pas le fait du hasard. En effet, le processus d’unification européenne peut également se comprendre comme un phénomène de la mondialisation. Il s’articule autour de la création d’un marché intérieur transfrontalier fondé sur des bases légales normalisées. Il vise en outre à permettre aux Etats européens de relever ensemble les défis communs auxquels ils sont confrontés aujourd’hui.
Le processus d’unification européenne a été, depuis toujours, à la fois une chance et un défi pour la Suisse. Une chance, parce qu’il a beaucoup contribué à la pacification de l’Europe. Une chance aussi, parce qu’il a créé un grand marché de 500 millions de consommateurs. Et parce qu’il a donné naissance à un cadre d’action européen dans des domaines clés comme la recherche, la lutte contre le changement climatique ou la gestion civile et militaire des crises.
Depuis toujours, le processus d’unification a également représenté un défi pour la Suisse, confrontée à la question de savoir comment aménager ses relations avec l’UE et s’assurer un accès au marché unique. La voie bilatérale, que la Suisse et l’UE ont développée ensemble depuis le début des années 1970, s’est révélée être l’option la plus appropriée.
D’une part, cette voie bilatérale tient compte de notre besoin d’indépendance et de nos institutions politiques.
D’autre part, elle nous donne un accès, vital pour nous, au marché unique et nous permet de coopérer avec les pays européens dans des domaines essentiels. La voie bilatérale est donc à la fois gage d’indépendance et source de prospérité, répondant ainsi à un deuxième objectif important inscrit dans notre Constitution : indépendance et prospérité.
Sans oublier que les Suisses et les Suissesses ont confirmé leur adhésion à la voie bilatérale lors de plusieurs votations populaires. Elle constitue la seule option de politique européenne susceptible de recueillir une majorité en Suisse.
La voie bilatérale doit avant tout son succès au fait que nous l’avons développée à plusieurs reprises de manière prospective, coopérative et innovante afin de l’adapter aux nouvelles réalités – et ce toujours dans un esprit de réciprocité et de partenariat avec l’UE. En effet, depuis le début de la voie bilatérale, les deux parties ont influencé activement son développement. Pour être viable, l’approche bilatérale doit tenir compte des intérêts des deux partenaires. Il n’y a rien là d’un pick and choose, comme on le lit parfois, il y a le choix souverain de deux partenaires de signer des accords dans leur intérêt mutuel.
Depuis quelques années, l’UE exprime avec une insistance croissante le besoin de simplifier et de rendre plus efficace la gestion d’un ensemble d’accords bilatéraux devenu de plus en plus complexe. Un souci que partage la Suisse. Car il est aussi de notre intérêt de disposer d’accords bilatéraux durables et stables. Cela nécessite toutefois de clarifier un certain nombre de questions institutionnelles. Concrètement, il s’agit
• des modalités de reprise du droit européen dans les domaines couverts par les accords bilatéraux;
• de l’interprétation de ce droit;
• de la surveillance de l’application des accords et
• du règlement des différends.
Il existe notamment deux raisons pour lesquelles une entente sur ces questions est dans l’intérêt de la Suisse : premièrement, la Suisse ne pourra élargir son accès – toujours restreint – au marché unique tant que les questions institutionnelles n’auront pas été clarifiées. Dans des domaines clés comme l’énergie et la sécurité des denrées alimentaires et des produits ou peut-être un jour dans celui de la libre prestation des services, le marché européen ne pourra s’ouvrir aux entreprises suisses sans un cadre institutionnel. C’est ce qui ressort clairement des discussions menées avec l’UE ces dernières années. Les entreprises suisses continueraient donc à faire l’objet d’un traitement discriminatoire dans certaines branches.
Deuxièmement, et c’est encore bien plus important, la Suisse ne peut se prémunir contre l’érosion des bases sur lesquelles reposent les accords bilatéraux existants que si les questions institutionnelles sont réglées.
L’UE a commencé à bloquer également l’actualisation et l’extension de certains accords existants d’accès au marché en attendant le règlement des questions institutionnelles.
Dans des domaines importants comme le commerce des produits industriels ou les échanges agricoles, cela pourrait entraîner de nouveaux désavantages concurrentiels pour la Suisse et réduire la sécurité juridique de ses entreprises.
Mais en ce qui concerne les accords de coopération existants, notamment en matière de recherche, il existe aussi des indices selon lesquels les organes compétents de l’UE souhaitent différer leur renouvellement en attendant que le dossier institutionnel avance.
En clair, cela signifie que sans renouvellement de la voie bilatérale, il sera impossible de préserver les acquis à moyen terme. Le non-règlement des questions institutionnelles se traduirait, non pas par le statu quo, mais par une érosion du processus bilatéral. Celui-ci se trouverait progressivement vidé de sa substance et serait politiquement moins bien accepté – aussi bien dans l’UE qu’en Suisse. Dans un tel cas de figure, les pressions exercées en vue d’une adhésion à l’UE augmenteraient. Or ce n’est pas ce que veut le peuple ni le gouvernement suisse.
Mais il est tout à fait possible de trouver une solution aux questions institutionnelles qui soit favorable aux deux parties.
D’une part, parce que l’ampleur impressionnante de nos relations commerciales constitue déjà en soi une raison suffisante pour inciter les deux parties à régler les questions en suspens dans un esprit de coopération.
Le trafic de marchandises entre la Suisse et les pays membres de l’UE s’élève à plus d’un milliard de francs – par jour ouvrable!
L’UE est de loin le principal partenaire commercial de la Suisse. Les nouveaux marchés en Chine ou ailleurs dans le monde nous offrent certes un développement conséquent, mais ils ne remplaceront jamais le marché européen. Le volume des échanges commerciaux entre la Suisse et le seul Land du Bade-Wurtemberg (33 milliards CHF par an !) est deux fois plus important que celui avec la Chine ; il est aussi légèrement plus élevé que celui avec les Etats-Unis.
Mais inversement, la Suisse est aussi un partenaire majeur de l’UE. Notre économie occupe une place importante au cœur de l’Europe. Nous sommes le quatrième partenaire commercial de l’UE. Près d’un million de citoyens de l’UE travaillent dans notre pays. Et les entreprises suisses représentent de nombreux emplois dans l’espace communautaire. La Suisse fournit en outre d’importantes contributions à la maîtrise de la crise de l’endettement, à l’élargissement de l’UE et d’une manière générale à la sécurité et à la stabilité de l’Europe. Elle constitue un facteur de stabilité pour l’Europe.
D’autre part, j’ai la conviction que nous trouverons une bonne solution parce que la Suisse a développé des idées novatrices pour renouveler la voie bilatérale.
Certes, le Conseil fédéral reconnaît la nécessité de fonder les accords bilatéraux sur le droit européen. La reprise du droit européen ne saurait toutefois être automatique et doit se faire de manière à ne pas porter atteinte aux institutions politiques de la Suisse, notamment le droit de référendum.
C’est sur cette base que la Suisse a soumis à l’UE, au milieu de l’année dernière, des propositions constructives et innovantes en vue du règlement des questions institutionnelles. Cette démarche a notablement contribué à décrisper les relations bilatérales. Elle a également créé les conditions qui ont permis à la Suisse et à l’UE de mener des discussions techniques et de dégager, au printemps 2013, trois options pour le règlement des questions institutionnelles, dans un document conjoint.
Le Conseil fédéral a procédé à un examen minutieux de tous les avantages et inconvénients de ces options. Le 26 juin dernier, il a décidé de poursuivre l’option 3 et de faire établir un projet de mandat de négociations. Il porte ainsi son choix, non pas sur l’option – peut-être la plus familière – d’un arrimage aux institutions de l’EEE, mais sur une solution durable et innovante.
Pourquoi l’option 3 est-elle la plus conforme aux intérêts et aux valeurs de la Suisse ? Toute une série d’arguments de poids plaident en faveur de cette option, même si quelques points de détail doivent encore faire l’objet de négociations avec l’UE :
• La Suisse ne se soumet à aucune autorité de surveillance ayant compétence générale et ne s’expose à aucune procédure de recours en manquement devant une juridiction supranationale.
• Elle ne se soumet pas non plus à une juridiction supranationale. Elle reconnaît certes la compétence de la CJUE pour interpréter, sous forme d’avis, l’acquis communautaire pertinent pour les accords bilatéraux, en cas de conflit. Le règlement des différends reste toutefois du ressort du comité mixte et continuera à avoir lieu au niveau diplomatique et politique. En revanche, en vertu des règles régissant l’EEE, la Suisse serait liée par les décisions de la Cour AELE.
• Avec l’option 3, la Suisse reste libre de ne pas suivre une interprétation de la CJUE. Le cas échéant, elle risquerait certes de faire l’objet de mesures compensatoires, mais elle pourrait toujours procéder à une pesée des intérêts en toute autonomie et souveraineté.
• L’option 3 offre en outre à la Suisse le plus haut niveau de sécurité juridique. A la différence de l’option 1, l’option 3 exclut toute possibilité pour l’UE de revenir, au sein du comité mixte, sur une décision de la Cour qui lui serait défavorable.
• Un autre avantage de l’option 3 réside dans le fait que la Suisse doit uniquement négocier avec l’UE, alors qu’un arrimage aux institutions de l’EEE nécessiterait également l’accord des Etats membres de l’EEE.
• Il ne faudrait par ailleurs pas surestimer la différence entre les options en ce qui concerne la représentation par un juge suisse, question qui a été amplement débattue. La présence d’un ressortissant suisse parmi les quatre juges de la Cour AELE ne signifierait en aucune façon que cette juridiction rendrait des arrêts plus favorables à la Suisse. Les juges n’ont en effet pas vocation à défendre des intérêts nationaux.
• Par ailleurs, la CJUE a déjà souligné dans plusieurs arrêts les spécificités de l’acquis bilatéral Suisse/UE et ses divergences par rapport aux règles de l’EEE. Elle n’interprète pas les accords bilatéraux comme des accords d’intégration et reste toujours vigilante sur la question de l’indépendance – y compris à l’égard des institutions de l’UE. Rien ne permet de dire si la Cour AELE ferait preuve du même souci de différenciation.
Mesdames, Messieurs,
L’option arrêtée par le Conseil fédéral correspond le mieux à la conception que la Suisse a d’elle-même. Elle n’a aucune incidence sur les institutions politiques, comme la démocratie directe. Car le Conseil fédéral exclut expressément toute reprise automatique du droit européen.
Le Conseil fédéral a porté son choix sur l’option qui répond le mieux aux deux objectifs constitutionnels que sont l’indépendance du pays et sa prospérité. Si la Suisse s’engageait sur la voie de l’adhésion à l’EEE ou à l’UE, elle devrait faire bien plus de concessions quant à son indépendance. Et si elle suivait la voie solitaire, elle le ferait aux dépens de sa prospérité.
Il va sans dire que le Conseil fédéral mènera une procédure de consultation sur le mandat de négociations auprès des cantons, des commissions de politique extérieure et des partenaires sociaux. Et le jour où les négociations avec l’UE aboutiront à un résultat, il le soumettra à un examen critique, en particulier dans la perspective des lignes rouges qu’il a définies. Le Parlement et le peuple pourront également se prononcer sur ce résultat – dans le plein respect de la démocratie suisse. Telle est la voie que le Conseil fédéral entend suivre en matière de politique européenne. Il est convaincu de la nécessité d’anticiper les difficultés et une érosion de la voie bilatérale. Il veut des solutions innovantes et enfin il veut coopérer avec l’UE pour trouver des solutions équilibrées acceptables pour les deux partenaires.
Pour ce faire le Conseil fédéral a intégré les questions institutionnelles dans une stratégie à moyen terme de consolidation et de renouvellement de la voie bilatérale.
Notre but est d’obtenir des progrès parallèles dans différents dossiers et d’arriver à un résultat global équilibré. Ce faisant on augmente les possibilités de défendre au mieux les intérêts suisses.
Après la phase de l’entrée en matière sur les questions institutionnelles, il est prévu, dans une deuxième étape, d’ouvrir de nouveaux dossiers de négociation, par exemple sur le règlement REACH et sur la Politique commune de sécurité et de défense PCSD, de faire progresser les négociations en cours et de les mener à leur terme, notamment dans les domaines de l’énergie et du renouvellement de l’accord sur la coopération en matière de recherche.
Il est également prévu d’adopter un mandat en matière de fiscalité de l’épargne. Dans une troisième étape, nous souhaitons organiser l’année prochaine avec l’UE un sommet Suisse-UE qui serait l’occasion d’entériner les avancées obtenues dans certains dossiers et de donner, dans d’autres, de nouvelles impulsions politiques.
Je suis convaincu que nous réussirons à créer avec l’UE, dans le cadre d’une approche d’ensemble et coordonnée, une base large et solide pour la poursuite de la voie bilatérale. Car c’est dans l’intérêt à la fois de la Suisse et de l’UE.
Nous sommes sur la bonne voie – grâce à vous tous
Mesdames, Messieurs,
A l’occasion de ce tour d’horizon, j’ai évoqué le rythme effréné des mutations à l’œuvre dans le monde et le caractère impondérable des développements futurs. J’ai parlé de certains défis auxquels la Suisse se trouve actuellement confrontée.
La Suisse est bien placée pour relever ces défis. Mais pour réussir, nous devons agir dans un esprit à long terme et travailler dur, souvent plus dur que les autres, entretenir et développer la coopération à l’intérieur de nos frontières et avec des partenaires extérieurs et ne pas hésiter non plus à quitter les sentiers battus – pour emprunter des voies originales et innover !
Ce travail c’est vous qui le faites, cette stratégie vous la faites vivre.
Pour conclure, je tiens donc à vous remercier de votre engagement actuel et futur. Chacune et chacun d’entre vous, à la centrale ou dans les représentations implantées à travers le monde, apporte une contribution essentielle à notre politique extérieure. La politique n’est pas seulement au service de l’homme, elle est aussi son œuvre.
Mes remerciements s’adressent aux collaborateurs et collaboratrices du DFAE, mais aussi à leurs partenaires et à leurs proches, qui portent eux aussi une part importante de cet engagement et doivent faire face à des situations pas toujours simples à l’étranger.
Ensemble, nous avons déjà remporté quelques succès. Mais il reste beaucoup de travail à accomplir pour défendre les intérêts et les valeurs de la Suisse.
Que cette conférence des Ambassadeurs et du réseau extérieur soit pour vous l’occasion d’approfondir certains thèmes, de cultiver les échanges et de développer des réponses innovantes aux défis qui se posent au monde et à la Suisse.
Merci de votre attention et de votre engagement !