La parole prononcée fait foi
Mesdames et Messieurs en vos titres et fonctions,
Mesdames et Messieurs les élus du Forum des 100,
Chers Romandes et Romands,
À quoi sert la Suisse romande ?
Voilà la curieuse question que le Forum des 100 pose cette année et à laquelle vous souhaitez une réponse de ma part.
Ma réponse de conseiller fédéral est la suivante : le Conseil fédéral a été saisi d'une note de discussion confidentielle à ce sujet. La procédure de co-rapport sera lancée dès que la consultation des offices sera terminée. Le Conseil fédéral examinera ensuite le dossier et décidera s'il entend envoyer un projet de base légale en consultation. Cette base légale permettrait alors, une fois que la Conférence des gouvernements cantonaux et les partenaires sociaux auront été consultés, et après la procédure parlementaire, ainsi qu'un éventuel référendum débouchant sur une votation populaire, d'instituer une commission d'experts qui serait chargée d'étudier la question, en collaboration avec le Fonds national.
Mais ma réponse en tant que Beat Jans est simple : cette question, je ne me la pose pas. À quoi sert Uri ? À quoi sert le Tessin ? À quoi sert Bâle ? À quoi sert la démocratie directe ? À quoi sert le Conseil fédéral ? Tous servent la Suisse et font de la Suisse ce qu'elle est. Tous en font partie et sont une partie du tout. Il faut les vingt-six cantons, les quatre langues, toutes les villes, toutes les communes, et tous les gens.
D'ailleurs, la Suisse romande existe-t-elle véritablement ?
Bien sûr, il y a la langue - et pourtant elle n'est pas si homogène que nous le pensons souvent, nous autres Suisses-alémaniques. Entre Vaud et Genève, il y a un monde ! Mais je peux vous assurer qu'entre Bâle et Zurich aussi, il y a un monde - l'Argovie notamment.
La Suisse alémanique n'existe pas.
L'analyse des résultats de votations montre qu'il y a des fossés bien plus profonds que le röstigraben. Peut-être qu'on parle plus souvent de celui-là parce que les röstis, c'est croustillant, appétissant, et parce que tout le monde aime ça.
Pour ma part, j'aime la Suisse romande et j'y viens toujours avec plaisir. Même si mon français - tout comme votre allemand - ne coule pas aussi facilement qu'un bon vin blanc, nous nous comprenons. Après tout, je ne parle pas non plus le dialecte glaronnais.
En tout cas, vous pouvez me croire : quand le Bâlois que je suis découvre certains dimanches soir les résultats des votations, je me sens si proche de la Suisse romande que je jure intérieurement en français. Par exemple, le 6 décembre 1992. Ce jour-là, la Suisse romande et les deux Bâle disaient oui à l'EEE. Voilà qui nous amène à un thème d'actualité : L'Europe et la Suisse.
L'Europe est un peu une grande Suisse : 27 pays souverains, qui cultivent leurs particularismes et leurs différences, mais qui sont unis dans leur diversité. Qui ont appris à vivre ensemble et à s'entraider, offrant ainsi septante ans de paix et de stabilité à notre continent autrefois ravagé par les guerres. Mais l'Europe est davantage que l'Union européenne. C'est aussi une communauté de valeurs, aujourd'hui attaquée par la Russie. Cette Europe s'est regroupée et nous en faisons partie - nous le ressentons, là-bas comme ici.
Chères Européennes, chers Européens,
Le bruit court jusqu'en Suisse romande, sans doute à cause d'une indiscrétion : le Conseil fédéral veut stabiliser la voie bilatérale avec l'UE et continuer à la développer. Les négociations sont en cours :
- La Suisse veut assurer à ses entreprises un accès sans entraves au marché intérieur de l'UE; et elle veut avoir son mot à dire lors de l'élaboration de nouvelles règles concernant le marché intérieur.
- La Suisse et l'UE doivent pouvoir régler leurs différends par un mécanisme juridique. Ceci afin de renforcer la sécurité du droit et d'empêcher des mesures de rétorsion arbitraires.
- La Suisse veut pouvoir conclure de nouveaux accords bilatéraux, par exemple pour renforcer l'approvisionnement en électricité. Et nous voulons profiter d'une collaboration plus étroite avec l'UE dans des domaines comme la formation, la recherche, l'innovation, la protection des consommateurs ou encore la santé.
Et ce qui est tout particulièrement important :
- Les acquis de la Suisse tels que la démocratie directe et les services publics doivent être préservés. L'immigration en provenance de l'UE doit être guidée par le marché du travail. Les salaires et le système de protection sociale doivent être protégés.
Un rapprochement de l'UE qui remettrait en cause ces acquis n'aurait absolument aucune chance.
Les négociations sont intenses et menées par les deux parties avec beaucoup d'engagement. La priorité est de trouver des solutions de qualité.
Les négociations continuent jusqu'à ce qu'elles soient terminées. Le Conseil fédéral évaluera ensuite le résultat obtenu et prendra sa décision sur la signature de l'accord. Et en cas d'accord, il y aura une votation populaire.
Les opposants donnent déjà de la voix. Ce sont des voix alémaniques. J'entends pour l'instant nettement moins d'interventions en français sur ce thème...
Il y a cependant un autre sujet sur lequel les Romands font entendre leur voix à Berne : celui de la migration et de l'asile. Et cette voix, je peux le dire en toute bonne conscience, est entendue et prise au sérieux.
En ce moment, les choses se présentent bien :
- Le nombre de cas en suspens diminue: nous avons pu le réduire d'un quart cette année.
- Le nombre des retours continue d'augmenter cette année.
- Nous avons introduit une procédure en 24heures qui fonctionne.
- Il y a moins d'incidents dans les centres fédéraux pour requérants d'asile.
- Il y a deux fois moins d'interceptions à la frontière de personnes en situation irrégulière que l'an dernier.
- Les chiffres de l'asile sont en baisse : moins 40 % de demandes en septembre sur un an.
- C'est pourquoi la Confédération ferme neuf centres d'accueil temporaires, dont deux se trouvent dans les cantons du Jura et de Genève.
La situation est donc moins tendue. En Suisse romande aussi, à Boudry aussi. Je suis allé sur place et j'ai été très impressionné par le travail effectué dans ce centre, dans des conditions difficiles.
Et oui, parfois il est utile de formuler une question générale : à quoi sert notre système d'asile ?
- Toute personne qui a besoin d'une protection doit l'obtenir.
- Même une personne qui n'a aucune chance d'obtenir l'asile doit être traitée équitablement.
- La société doit soutenir le système.
- L'intégration est la priorité absolue.
C'est un engagement auquel nous obligent la Constitution fédérale et nos traditions humanitaires. Et nous sommes sur la bonne voie. Certains prétendent le contraire. Mais j'invite tous les partis à discuter calmement, sur la base des faits, et de ce que nous pouvons améliorer ! L'agitation politique nourrie par des exigences inapplicables ne nous fera pas avancer.
Mesdames et Messieurs,
L'important, c'est ce qui nous relie, et non ce qui nous divise. Ce qui nous relie, c'est l'aventure d'appartenir à ce pays.
Le röstigraben n'existe pas.
Pour apporter une réponse définitive à cette question, le Conseil fédéral a commandé une étude auprès des offices fédéraux de la culture, de l'agriculture, de l'environnement, et de la topographie. Les résultats sont attendus en 2030 et quelques. D'ici là, le groupe d'experts « Romandie » devrait être constitué.
Merci de votre patience - et de votre attention.