De l'histoire de l'Hôtel Chanac de Pompadour ou Hôtel de Besenval
L'Ambassade de Suisse en France se trouve depuis 1938 au 142 rue de Grenelle, dans le 7ème arrondissement de Paris. Les bâtiments actuels ont été acquis à l'époque par le Ministre Walter O. Stucki pour le compte de la Confédération, l'hôtel particulier du 51 avenue Hoche, dans le 8ème arrondissement, étant devenu trop exigu.
Le déplacement de la Représentation à la rue de Grenelle représente un trait d'union intéressant avec l'histoire suisse en France.
Dans la seconde moitié du 18ème siècle, le bâtiment servant actuellement de Résidence à l'Ambassadeur de Suisse fut en effet habité par un Commandant de la Garde Suisse, le Baron Pierre-Victor de Besenval.
Issu d'une célèbre famille du canton de Soleure, allié à une famille de la noblesse polonaise, cet homme de lettres raffiné, amateur d'art, ami des femmes et colonel de l'armée française joua un rôle important à la Cour de Louis XVI.
A la survenance de la Révolution française, qu'il avait prévue, il était responsable de la garnison de Paris. A ce titre, il aurait dû s'opposer par la force à la prise de la Bastille, le 14 juillet 1789. Mais pour éviter de déclencher une guerre civile, il prit la décision historique, ce jour-là, d'ordonner aux Régiments suisses de se replier sans combattre la population en armes.
L'actuel hôtel de l'Ambassade de Suisse fut construit pour l'abbé Chanac de Pompadour par l'architecte Alexis Delamair, en 1705; cet architecte renommé fut aussi l'auteur des plans de l'Hôtel de Rohan et de l'Hôtel de Soubise (actuellement bâtiments des Archives nationales).
En 1720, après la mort de l'abbé de Pompadour, la maison revint à ses nièces puis fut vendue à différentes familles de la noblesse française avant que le Baron Pierre-Victor de Besenval ne l'achète, en 1767. Il confia à l'architecte Brongniart les travaux d'aménagement d'une salle à manger. Au sous-sol, il fit aménager un nymphée dont la décoration sera l'oeuvre du sculpteur Clodion.
Les chroniqueurs de l'époque rapportèrent que l'on parla beaucoup à Paris de cette piscine qui, dit-on, ne servit qu'une seule fois; l'eau y étant chaude et la cave glaciale, le seul baigneur, un soldat des Gardes suisses, qui s'y hasarda mourut quelques jours plus tard d'une pneumonie !
Les statues et bas-reliefs de Clodion ornant ce nymphée sont maintenant exposés au Musée du Louvre (aile Richelieu) et il ne reste aujourd'hui qu'une plaque rappelant l'existence de ces bains souterrains.
Besenval décéda dans son hôtel en 1791 en le léguant, ainsi que tous ses biens, au Maréchal de Ségur. Durant le 19ème siècle, différents locataires habitèrent l'hôtel. Parmi les plus connus, les descendants de Lucien Bonaparte, frère de Napoléon Ier, qui l'occupèrent entre 1855 et 1870. De 1920 à 1937, l'hôtel servit de siège à différents tribunaux internationaux d'arbitrage prévus par les traités de paix.
Dans la pièce centrale de l'hôtel se trouve une grande tapisserie, mise en dépôt par le Mobilier national, illustrant le renouvellement de l'alliance entre la France et les Suisses qui s'est déroulé en la cathédrale Notre-Dame de Paris le 18 novembre 1663.
La scène représente Louis XIV et les ambassadeurs des cantons suisses se prêtant sur la Bible un mutuel serment. Cette tapisserie en basse lisse des Gobelins, exécutée d'après un carton de Le Brun, fait partie de la suite en quatorze épisodes de l'Histoire du Roi.