Rencontre avec l’astrophysicien suisse Georges Meynet à l’occasion de sa conférence à Tunis

Article, 23.09.2024

Le professeur suisse Georges Meynet participera à la Nuit européenne des chercheurs 2024 organisée par la Cité des Sciences à Tunis et l’Institut Français de Tunisie. Diplômé de l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) et président du bureau des directeurs du journal Astronomy and Astrophysique de 2005 à 2010, il est également chercheur à l’Observatoire de Genève et professeur honoraire à l’Université de Genève. Le prof. Meynet animera ce vendredi 27 septembre à la Cité des sciences à Tunis une conférence sur « Les premières étoiles de l’univers et le James Webb Space Telescope ».

Portrait du prof. Georges Meynet
Portrait du prof. Georges Meynet © Georges Meynet

En tant que chercheur à l’Observatoire de Genève, vos travaux consistent à étudier les étoiles massives en modélisant leur évolution sur ordinateur. Vous êtes également professeur honoraire de l’Université de Genève. Qu’y avez-vous enseigné ?

J’ai enseigné les processus physiques nécessaires à la modélisation des étoiles, comme par exemple la physique des interactions entre le rayonnement et la matière, la physique de la matière dans différentes conditions de densité et de température, les réactions nucléaires dans les étoiles. J’ai aussi enseigné les différents stades de la vie d’une étoile, de sa formation jusqu’aux stades finaux où l’étoile donne naissance à une naine blanche, une étoile à neutrons, un trou noir, ou explose en ne laissant aucun reste derrière elle. 

Qu’est-ce qui vous a fait aimer l’Espace ?

L’espace est constamment à la portée de notre regard, il suffit de lever les yeux vers le ciel, une fois la nuit tombée pour commencer l’exploration. Vu de notre petit coin de Terre, cet espace, rempli de planètes, d’étoiles et de galaxies invite au voyage d’abord par la pensée et l’imagination, puis par le raisonnement et les déductions scientifiques.  Je me suis rendu compte que la science, en portant un regard rationnel sur le monde qui nous entoure, loin de le désenchanter, l’enchante encore plus et révèle les liens incroyables qui nous lient à l’Univers, aux étoiles et galaxies. Au collège j’aimais beaucoup la physique et la philosophie. L’astrophysique c’est avant tout de la physique, mais qui ouvre sur des interrogations qui ont un petit parfum de philosophie. En choisissant l’astrophysique, j’ai pu ainsi cultiver à la fois mon intérêt pour la physique, tout en gardant bien vivantes mes interrogations philosophiques.

La Suisse participe à l’aventure spatiale depuis ses débuts. Avec l’admission officielle du Suisse Marco Sieber dans le corps des astronautes de l'Agence spatiale européenne (ESA) ou la nomination pour la première fois d’un Suisse, Renato Krpoun, à la présidence de la même agence, elle semble toutefois plus présente dans l’actualité. Selon vous, qu’apporte la Suisse au domaine spatial ?

La Suisse avec ses entreprises de hautes technologies et de précision, son système éducatif performant, ses universités cantonales et ses écoles fédérales présentent de nombreux atouts pour contribuer à la compréhension des objets qui peuplent notre Univers, pour utiliser l’espace afin de sonder et étudier notre propre planète.  

Bien sûr, c’est en mettant ensemble les forces avec d’autres pays que cela est possible. Les organisations telles que l’agence spatiale européenne (European Space Agency) et l’observatoire européen pour l’hémisphère austral (European Southern Observatory) ouvrent les portes du spatial et de l’astrophysique à notre communauté. 

En mettant à disposition des chercheurs européens (dont la Suisse) des instruments à la pointe du progrès non seulement cela donne l’occasion à des entreprises européennes de surmonter de nombreux défis technologiques, mais cela permet aussi aux chercheurs de faire des découvertes ayant un grand impact tant en astrophysique qu’en étude des planètes, exoplanètes et de la terre, qu’en physique fondamentale.

Vue d'artiste du James Webb Space Telescope
Vue d'artiste du James Webb Space Telescope © NASA

En quoi le spatial est-il utile pour le monde ?

Si je comprends par spatial ici, l’observation et l’étude des phénomènes cosmiques, que ce soit à l’œil nu, avec des télescopes, des satellites et des sondes spatiales (finalement la Terre peut être vue comme un vaisseau spatial qui porte son équipage à sa surface comme l’a joliment dit l’astronaute Neil Armstrong), alors je dirais que son utilité s’est révélée à toutes les époques de l’histoire humaine. 

L’Univers a été la première boussole pour se situer dans l’espace, la première horloge pour se repérer dans le temps. L’observation du ciel a donné naissance aux premières cosmologies. Aujourd’hui l’observation de l’Univers permet de mieux comprendre son évolution passée, de prédire son évolution future. 

C’est aussi un champ d’investigation fascinant ouvrant de nouvelles portes sur les lois physiques qui gouvernent notre cosmos enrichissant ainsi notre culture et notre lucidité quant à notre position dans l’Univers.  Certaines observations ont permis de vérifier des théories comme celle de la relativité d’Einstein ; d’autres montrent les limites actuelles de nos connaissances, comme l’origine de l’expansion accélérée de notre Univers. 

Comme déjà indiqué auparavant, l’espace offre le recul nécessaire pour voir notre planète comme un tout, ouvrant des perspectives inédites pour l’étudier de manière globale. La Lune, les astéroïdes pourraient aussi se révéler un jour comme des réservoirs pour certains minerais. L’espace offre aussi un lieu de défi qui stimule le développement de nouvelles technologies. Nous n’avons donc pas terminé de découvrir tout de ce que son étude peut apporter à l’humanité.

Vous participerez le 27 septembre à la Nuit européenne des chercheurs organisée par la Cité des Sciences à Tunis et l’Institut Français de Tunisie. Pourriez-vous nous en dire plus sur votre conférence « Les premières étoiles de l’univers et le James Webb Space Telescope » ?

L’Univers n’a pas toujours été celui que nous pouvons observer aujourd’hui autour de nous. Il fut un temps où les structures telles que les planètes, les étoiles, les galaxies n’existaient pas. Ces corps sont pour la première fois apparus à un moment donné de l’histoire de notre Univers. On pense que les premières étoiles sont apparues entre environ 250 et 350 millions d’années après le Big Bang.

Quelles étaient les masses de ces étoiles ? Avaient-elles un champ magnétique ? Tournaient-elles sur elles-mêmes lentement ou rapidement ? Etaient-elles fréquemment accompagnées de compagnons proches ? Quels ont été leurs impacts sur leur environnement proche ? Comment ont-elles modifié la composition chimique de leur environnement ? Ce sont les questions que nous aimerions aborder durant cet exposé.

Nous verrons que le James Webb Space Telescope apporte des indications précieuses sur l’impact des premières générations dans les galaxies. L’exposé tentera de donner les informations les plus récentes à ce sujet et d’offrir quelques perspectives pour l’avenir.

  • Nuit européenne des chercheurs 2024 
  • Conférence "Les premières étoiles de l’univers et le James Webb Space Telescope"
  • Vendredi 27.09.2024 à partir de 17h30
  • A la Cité des Sciences à Tunis