Article, 23.12.2014

26 décembre 2004. La date reste gravée dans la tête de dizaines de milliers de victimes du tsunami qui a dévasté l’Asie du Sud. Elle évoque aussi des souvenirs particuliers chez les humanitaires qui ont mis en œuvre l’aide d’urgence. Aujourd’hui chef suppléant du bureau de la coopération suisse au Sri Lanka, Lars Büchler fut actif dans le pays dès 2005. Observateur privilégié de l’assistance déployée par la Suisse à l’époque, il témoigne avec dix ans de recul.

Lars Büchler entouré de Sri-Lankais.
Lars Büchler (ici avec les bénéficiaires d’un programme au Sri Lanka) a travaillé pour le compte de la Chaîne du bonheur et de la Croix-Rouge suisse avant d’intégrer la DDC en 2010.

Lars Büchler, qu’évoque pour vous cette date du 26 décembre?

Le souvenir d’une surprise totale. Jusqu’à cette fin d’année 2004, le mot «tsunami» ne faisait pas partie du vocabulaire courant. C’est une notion qu’on ne connaissait pas. Ce qui fait que, quand on a entendu parler d’un tsunami qui s’était abattu sur l’Asie du Sud, personne n’a tout de suite compris de quoi il retournait. C’est très progressivement que chacun a réalisé l’ampleur des dégâts.

Fin décembre 2004, vous étiez bien placé pour suivre de près l’assistance humanitaire qui allait se déployer…

Oui, j’étais alors employé de la Chaîne du bonheur à Genève. Je me souviens avoir reçu un appel de mon chef, le 26 décembre. Il m’a dit: «Quelque chose de très grave s’est passé en Asie du Sud, avec apparemment beaucoup de morts.» Nous avons aussitôt organisé une collecte de fonds. Les premières informations sont arrivées de Thaïlande, puis du Sri Lanka. Un peu plus tard, nous étions informés que les îles Andaman avaient aussi été durement touchées. Et enfin, la Somalie. C’est là que nous avons pris pleinement conscience de l’étendue du tsunami.

Quand êtes-vous arrivé sur place?

Pas tout de suite. J’ai passé la première moitié de l’année 2005 à coordonner depuis Genève l’envoi de matériel de secours – eau, nourriture, bâches, etc. – financé par les dons récoltés par la Chaîne du bonheur. Puis j’ai répondu à un appel d’offres de la Croix-Rouge suisse qui recherchait des humanitaires pour développer des projets de réhabilitation au Sri Lanka. Je me suis envolé pour Colombo, la capitale du Sri Lanka, en août 2005.

Quelle était l’ambiance dans le pays six mois après la catastrophe?

Il y avait des bâtiments détruits partout, mais la première période d’urgence était passée. Six mois après le tsunami, les discussions tournaient autour de comment reconstruire. J’ai tout de suite compris que les Sri-Lankais s’étaient spontanément entraidés. Beaucoup avaient perdu des enfants. De nombreuses familles étaient totalement désemparées. Mais en même temps, comme souvent après une catastrophe, la population laissait apparaître une énorme motivation à reconstruire. Psychologiquement, rebâtir permet de se reconstruire…

L’Aide humanitaire de la Confédération a été très active au Sri Lanka, parmi d’autres pays, notamment à travers un «consortium suisse» établi pour coordonner l’aide en provenance de la Suisse. Quels souvenirs en gardez-vous?

La mise en œuvre du «consortium suisse» (il regroupait la DDC, la Croix-Rouge suisse, la Chaîne du bonheur et l’Entraide Protestante Suisse) fut une vraie réussite. Le consortium s’est chargé d’un ambitieux programme de reconstruction de maisons dans les districts de Matara et Trincomalee, d’entente avec les autorités sri-lankaises. La DDC a assuré la coordination et le suivi de tout le programme. A la base, c’est l’ambassadeur de Suisse à Colombo qui avait réalisé les premières démarches auprès du gouvernement national. Puis la DDC s’est occupée de négocier les contrats et de systématiser, via le Ministère des finances, la distribution de l’argent offert aux bénéficiaires pour la reconstruction de leurs maisons.

Pour rappel, combien de maisons ont pu être reconstruites grâce à l’argent des Suisses?

Un total de 10'500, auxquelles il faut ajouter 18 écoles. Plus de 27 millions CHF ont été investis dans ces projets de reconstruction entre 2005 et 2007. C’est précisément pour gérer au mieux cet immense programme et mettre toutes les ressources et les capacités en commun que le «consortium suisse» a été créé.

Referiez-vous tout exactement de la même manière aujourd’hui?

A peu de choses près, oui. Encore une fois, le travail et le professionnalisme du «consortium suisse» a été loué tant par les autorités sri-lankaises que par les bénéficiaires. Mais, à la rigueur, nous aurions pu être encore plus précis dans l’allocation des fonds pour certaines familles. Pour faire court, nous avions établi deux catégories de bénéficiaires. Ceux dont la maison avait été totalement détruite recevaient l’équivalent de 2500 USD. Et ceux qui avaient été victimes de simples dégâts pouvaient toucher 1000 USD. Or, parmi ces derniers, certains habitaient une maison dont un ou plusieurs murs avaient été détruits, alors que d’autres n’avaient à déplorer qu’une porte ou des fenêtres cassées. Une catégorisation plus fine des victimes aurait dû être faite. C’est une leçon que nous avons retenue, et qui a d’ailleurs été prise en compte par la DDC au moment de planifier un nouveau projet dans le nord du pays pour les victimes de la guerre.

Vous le dites vous-même: la situation ne s’est pas arrangée pour de nombreux Sri-Lankais après le tsunami.

En effet. Tout le monde a entendu parler de la guerre civile qui a fait rage entre les Tigres tamouls et le gouvernement sri-lankais plusieurs décennies durant, pour culminer et s’arrêter enfin en 2009. Au vu des dégâts, la DDC a décidé de relancer un programme de reconstruction de maisons et d’infrastructures publiques. Ce programme s’appuie sur l’expérience faite après le tsunami. A la fin de l’année 2015, 23 millions CHF auront été investis.

Et à titre personnel, c’est désormais en tant qu’employé de la DDC que vous accompagnez le projet.

Oui, on m’a demandé de planifier l’actuel projet en 2009. J’ai ensuite intégré la DDC en 2010.

L’histoire ne s’arrête pas là! Après quelques années passées en Suisse, vous êtes reparti vous installer à Colombo en 2013. Avez-vous eu l’occasion de recroiser des victimes du tsunami aidées par la Suisse à l’époque?

Oui. Pour la plupart, les familles bénéficiaires sont toujours là. Les gens sont contents d’habiter des maisons solides, recouvertes de tuiles – et jolies en plus de ça. Pour des femmes seules avec enfants, ces maisons signifient une vraie sécurité. Pour d’autres familles, elles ont permis de concrétiser des projets de mariage. Je souris toujours en pensant en particulier à un couple qui a pu se reconstruire une habitation grâce à l’aide de la DDC. Elle et lui avaient respectivement perdu leur mari et épouse lors du tsunami. Ils se sont remariés et ont eu un enfant qui grandit dans la maison financée par la DDC! Cette jolie anecdote ne doit toutefois pas faire oublier que, sur les plans politique et économique, la vie reste extrêmement dure pour de très nombreux Sri-Lankais. Les tensions entre Cingalais et Tamouls persistent. La situation reste critique.

Du cash pour (se) reconstruire

Habiter sous un toit est une condition essentielle pour le bien-être d’une famille. C’est pourquoi la DDC a fait de la reconstruction d’habitations endommagées ou détruites une priorité dès 2005 au Sri Lanka. Fait particulier, les familles bénéficiaires allaient être pleinement responsabilisées de la bonne conduite des opérations: à travers le principe du «Cash for rehabilitation and reconstruction», 10'500 ménages ont touché entre 1000 et 2500 USD pour prendre en charge eux-mêmes l’achat des matériaux de reconstruction et les travaux à réaliser. La formule a non seulement fait que les maisons étaient rebâties selon les goûts et besoins de leurs habitants. L’implication directe de ces derniers dans les travaux leur a permis de se reconstruire psychiquement. L’argent réinjecté localement a aussi contribué au redémarrage économique des districts concernés après la catastrophe. Les programmes de transferts monétaires sont de plus en plus préconisés parla DDC.  

Programmes de transferts monétaires

Une femme sri-lankaise se tient dans l’embrasure de la porte d’entrée de sa maison.
Un total de 10'500 maisons ont été reconstruites au Sri Lanka suite au tsunami dans le cadre du programme de reconstruction coordonné par la DDC. © DDC

Dernière mise à jour 19.07.2023

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