« Ce matin en me réveillant, je me suis tournée vers mon mari, je l’ai regardé droit dans les yeux et je lui ai dit bonjour et il m’a répondu. Ce fut un des plus beaux moments que j’ai partagés avec mon mari depuis un bon moment » raconte Mukeshimana Clementine, 25 ans, vivant à Mbazi dans la Province du Sud au Rwanda.
Clementine, comme 29 autres personnes, participe à un atelier de conscientisation « aux blessures de la vie ». Cet atelier fait partie d’une approche innovatrice mettant les communautés au centre de la lutte contre les violences, développée par Simon Gasibirege, Professeur de Psychologie.
« Les communautés peuvent se prendre en charge. Les potentiels sont là. Nous, on ne fait que leur apporter les compétences pour le faire » affirme Simon Gasibirege.
L’approche se décline en trois étapes : les ateliers de conscientisation, de guérison et le projet de vie. Chacune des étapes est adaptée en fonction des besoins des groupes de bénéficiaires. Ainsi, les ateliers de conscientisation sensibilisent les participants et leur permettent de comprendre la nature des différentes formes de violences au sein de leurs communautés, leurs origines, leurs conséquences sur l’épanouissement des personnes et des communautés affectées. Une attention particulière est portée sur les violences sexuelles faites aux femmes tout en associant les hommes en tant qu'auteurs, victimes mais aussi en tant qu'acteurs de changement positif. Dans cette approche, aucun acteur n’est mis de côté. Chaque partie prend conscience non seulement de ses propres blessures mais également de sa responsabilité dans la guérison des autres personnes affectées
« Avant ma participation dans ces ateliers, je n’aurais jamais pu imaginer que ma famille puisse m’accueillir aussi gaiement à chaque fois que je rentre du travail. Voir mes enfants venir vers moi et plaisanter avec moi est un réel plaisir. J’ai fait beaucoup de mal à ma femme, physiquement et émotionnellement. Aujourd’hui, je le regrette sincèrement » confesse Jean Marie Nkudanire, originaire de la Province du Sud au Rwanda.
Les ateliers de guérison quant à eux vont plus loin. Ils orientent progressivement les personnes sensibilisées vers un processus de recouvrement d’une santé mentale et des relations sociales saines. La dernière étape, le projet de vie, permet aux personnes guéries de se prendre en charge afin de les sortir du cercle de la vulnérabilité inhérente à leur condition de victimes et les prépare à la réintégration au sein de leurs communautés.
« Avec les autres femmes présentes aux ateliers nous avons initiées des rencontres. Pendant des heures, on discute de nos problèmes. Le fait d’être avec les autres, les écouter parler de leurs problèmes et savoir qu’on n’est pas seule m’a fait comprendre tellement de choses. Avec les formations qu’on a reçues et grâce aux accompagnements, nous avons décidé de mettre en place un grand projet générateur de revenus. » affirme Clementine.
Pour assurer la réussite de l’approche, le programme veille à associer les membres des communautés locales. Il s’agit de les responsabiliser davantage dans la prévention et la prise en charge des victimes de violences pour qu’elles aient accès à différents services tels que la prise en charge psychosociale, médicale et juridique.
Cette responsabilisation passe par la formation de membres de la communauté appelés relais communautaires. Ces dernières assurent l’identification et l’accompagnement des victimes. Plus particulièrement, elles assurent le référencement des cas les plus lourds tels que les traumatismes gynécologiques liés aux viols vers des centres de prise en charge médical disponibles dans les trois pays de la région. Parmi ces centres figure l’hôpital de Panzi du Dr Mukwenge, prix Nobel de la paix 2018, qui a assuré une prise en charge de plus de quarante milles femmes ces quinze dernières années.
Cette prise en charge médicale est suivie par un accompagnement qui associe les familles et les voisins des victimes dans le processus de gestion du trauma et de guérison facilitant le retour et la réintégration des victimes dans leurs communautés.
En somme, l’approche psychosociale communautaire encourage les membres de la communauté et les structures de prise charge de travailler ensemble et les responsabilise à la prise en charge et la prévention des problèmes de violence qui sévissent au niveau local.
Le programme psychosocial travaille en étroite collaboration avec 6 ONG de la région. Au Rwanda, il appuie l’Institut Africain pour la Psychologie Intégrale (IAPI) et Handicap international. Au Burundi, le programme travaille avec le centre Seruka et l’organisation locale Nturengaho. En RDC, il s’appuie sur le réseau des femmes pour la Défense des Droits et de la Paix (RFDP) et le centre Sosamé.