L’engagement de la Suisse pour l’aide humanitaire et la transformation des conflits à Bunyakiri (Sud-Kivu)

Actualités locales, 09.05.2019

Sensibilisation des femmes allaitantes sur la nutrition
Sensibilisation des femmes allaitantes sur la nutrition ©DFAE

Entre septembre 2017 et février 2018, les affrontements entre groupes armés et forces armées de la RDC ont occasionné le déplacement d’environ 37’000 personnes dans la région de Bunyakiri au Sud-Kivu. Durant les mois qui ont suivi, la même région a accueilli des milliers d’autres personnes fuyant le Territoire de Masisi, au Nord-Kivu, se transformant ainsi en une zone à la fois de déplacements et de retour de populations. Plusieurs enfants ont été recrutés dans les groupes armés à Bunyakiri pendant ce temps alors qu’un nombre important y ont été démobilisés. Il s’agit là d’un épisode seulement de l’histoire de cette région qui connait des conflits depuis des années. La Suisse, à travers la Direction du développement et de la coopération (DDC) et de la Division Sécurité Humaine (DSH), s’efforce de répondre aux multiples besoins humanitaires de la population et de transformer les conflits à long terme.

L’Aide humanitaire de la DDC a financé déjà en 2017 un projet de prévention et protection en urgence des enfants affectés par les conflits dans 12 communautés de la région de Bunyakiri. Au terme du projet, un plan communautaire de réduction des risques élaboré par les communautés cibles elles-mêmes a mis en évidence les mesures prioritaires. C’est dans ce cadre que la DDC appuie aujourd’hui des actions menées par l’organisation TPO (Transcultural Psychosocial Organization); qui à l’origine, était une ONG néerlandaise qui a rapidement fait évoluer sur le continent africain ses démembrements en structures nationales avec reconnaissance officielle, avec un staff (y compris le directeur national) composé essentiellement de Congolais  De la même façon, la DDC appuie un projet de lutte contre la malnutrition chronique, mis en œuvre depuis 2015 par le consortium des agences onusiennes UNICEF-PAM-FAO, ainsi qu’un projet d’appui au renforcement des mécanismes communautaires de prise en charge psychosociale des personnes affectées par les conflits au Sud-Kivu, aussi mis en œuvre par TPO, notamment à Bunyakiri.

Face à une situation de besoins humanitaires multiples, il a fallu développer une stratégie d’intervention qui s’adapte à la fois au contexte et qui adresse plusieurs problèmes en même temps. C’est ainsi que l’action de l’aide humanitaire suisse dans la région de Bunyakiri se décline à la fois sur le renforcement des mécanismes communautaires de protection, en accès aux services sociaux de base et en réduction des cas de malnutrition aigüe. Un des objectifs poursuivis est le renforcement des capacités des acteurs et structures de protection des enfants au travers de formations. Quelque 400 enfants et plus de 250 femmes bénéficient d’une réponse de protection. Pour des dizaines d’enfants particulièrement vulnérables, les soins sont pris en charge gratuitement. Pas moins de 27 réseaux communautaires de protection de l’enfant et 125 prestataires de soins ont été formés sur diverses thématiques, comme la nutrition ou la prise en charge psychosociale. Enfin, plus de 1'400 personnes (dont près de 900 femmes) présentant des troubles psychiques ont été pris en charge par les prestataires formés dans le cadre du projet.

Des enfants sortis des groupes armés peuvent à nouveau mener une vie normale. Doris Bengibabuya, Directeur national de TPO, explique que pour faire sortir les enfants des groupes armés, sa structure commence d’abord par sensibiliser les milices, avant d’identifier les enfants, vérifier leur âge, les placer dans des familles d’accueil et leur accorder divers appuis (médical, vestimentaire, besoins de première nécessité, psychosocial). Après cette première étape, c’est la recherche des parents qui intervient, ainsi qu’un appui à la réintégration économique accordé à l’enfant (chèvres, semences de soja, haricot et arachide). « Ce projet répond à un besoin réel aux problèmes exprimés par la communauté elle-même et la réponse semble être holistique pour chaque acteur concerné », affirme Doris Bengibabuya. Dans le cadre du projet de nutrition par exemple, les chèvres et les cobayes donnés aux ménages ont été rentables dans la mesure où ils leur permettent de répondre à d’autres besoins sociaux (scolarité et soins médicaux).

Un des exemples les plus parlants, c’est ce nouveau pont qui facilite la traversée des écoliers et de la population en général.

Pour Tatufeni Chambo, femme enceinte et allaitant, partie prenante au projet: « un projet qui donne des réponses palpables comme celui-ci devrait être étendu géographiquement dans toute la zone, vu le degré de vulnérabilité des membres des communautés qui ont été longuement exposés, parfois associés aux conflits armés ».

En complémentarité de l’aide humanitaire, la Suisse s’engage à long terme pour la transformation des conflits qui touchent la région de Bunyakiri. Le programme Tujenge Amani ! a été développé par la Suisse en partenariat avec l’ONG congolaise Action pour la Paix et la Concorde (APC), basée à Bukavu. Il cible les communautés les plus affectées par le phénomène des Raia Mutomboki, des groupes dits d’auto-défense, qui sont présents à Bunyakiri et dans d’autres régions au Sud et Nord-Kivu, en leur apprenant à accroître leur résilience communautaire et citoyenne dans un processus d’auto-responsabilisation face aux préjugés, manipulations et conflits. Grâce à ce programme, lancé à Bunyakiri en 2013, plusieurs centaines de jeunes se sont volontairement démobilisés et réintégrés dans leurs communautés. En dépit d’une récente pression des groupes armés pour une nouvelle mobilisation, les jeunes résistent fortement et les communautés qui font partie de Tujenge Amani ! connaissent aujourd’hui une meilleure sécurité car elles sont équipées pour démasquer les diverses manipulations et y résister.

Néanmoins, les défis restent nombreux et importants. Les jeunes qui rejoignent ces groupes armés, autant que leurs communautés sont régulièrement victimes de manipulations ethno-politiciennes et de vagues d’insécurité voire de violence et ne peuvent bénéficier de la protection des autorités politico-administratives ou sécuritaires. Sans la restauration de l’autorité de l’état et l’installation d’une bonne gouvernance, la région de Bunyakiri restera exposée à l’insécurité et à la violence.

Un documentaire sur le projet Tujenge Amani ! peut être découvert sur la plateforme Youtube 

Pont Maya avant réhabilitation
Pont Maya avant réhabilitation ©DFAE
Pont Maya après la construction
Pont Maya après la construction ©DFAE