Le Tchad doit faire face à de nombreux défis concernant le secteur de l’eau. Une vaste partie du territoire souffre d’une pénurie chronique d’eau, alors que le pays dispose d’importantes ressources souterraines et de surface. Les infrastructures actuelles ne garantissent pas un accès sécurisé à l’eau pour tous. Le réchauffement climatique et la croissance démographique viennent encore complexifier le tableau. Rémadji Mani voit de l’espoir dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030.
Quels sont les projets sur le thème de l’eau engagés par la DDC au Tchad?
Il n’existe pas de programme spécifique au secteur de l’eau, mais la DDC met en place différents projets qui touchent à ce thème. On peut en citer quatre. Le projet de cartographie des ressources, engagé depuis 2015, élabore un système d’information sur les ressources en eau et produit des cartes hydrogéologiques pour le pays.
Le projet «Eau Potable, Hygiène & Assainissement» vise à réduire les maladies diarrhéiques d’origine hydrique dans certains districts. L’état de santé de 300'000 personnes a été amélioré, grâce à de nouveaux forages, la réhabilitation de points d’eau potable et la construction de latrines ou de stations pour se laver les mains.
L’élevage pastoral est soutenu et développé au moyen d'un projet mené dans les régions sahélo-sahariennes du Tchad. Trois régions, soit 700’000 personnes, bénéficient de cette action. 100 puits pastoraux, 10 mares, le balisage de 500 kilomètres de couloirs de transhumance ont déjà été créés.
Enfin, la gestion des eaux de ruissellement dans le Tchad sahélien a pour objectif de réduire la désertification et de contribuer à la sécurité alimentaire de 100’000 personnes. Des seuils d’épandage ont notamment été construits, conduisant à la réhabilitation et à l’aménagement de plusieurs vallées.
Pourquoi ce partenariat Tchad-Suisse est important?
La Suisse fait partie des bailleurs les plus importants du Tchad. Je dirais même qu’il s’agit du premier bailleur, si l’on prend en compte la continuité de son appui et la confiance engagée depuis plus de 50 ans. La DDC intervient avec des projets innovants de longue durée qui aboutissent toujours à des résultats. Ils sont souvent cités en exemple par l’Etat tchadien.
La Suisse a aidé le Tchad à réviser sa stratégie de coopération, à déterminer les axes de travail et les zones d’intervention. Les communautés rurales pauvres sont aidées en priorité. Ce partenariat est basé sur la confiance et la concertation. Le Ministère de tutelle tchadien co-préside le comité de pilotage des programmes suisses. Les problèmes sont identifiés d’un commun accord avec les représentants du Tchad. Le partenariat se déroule bien et reste important aux yeux de la population.
L’Agenda 2030 de développement durable rappelle que dans le monde 884 millions de personnes sont privées d’un accès à l’eau potable et que l’agriculture compte pour 70% des prélèvements hydriques. Qu’en est-il au Tchad?
52% des Tchadiens ont accès à l’eau potable et à l’assainissement. Ce taux est pourtant inégal d’une région à une autre. A Tibesti par exemple, dans l’extrême nord, l’accès à l’eau potable se situe entre 5% et 18%. 19’000 Tchadiens dont 15’900 enfants de moins de 5 ans meurent chaque année de diarrhée. Ces décès sont pour 90% imputés à l’impureté de l’eau et au manque d’assainissement et d’hygiène. Le pays utilise annuellement 1,269 milliards de mètres cubes d’eau. L’agriculture consomme à elle seule plus d’un milliard de mètres cubes. Une gestion intégrale de l’eau s’avère déterminante pour le pays.
La gestion de l'eau au Tchad a-t-elle évoluée avec la mise en œuvre des Objectifs du Millénaire pour le développement (OMD), entre 2000 et 2015?
Les OMD ont été intégrés à la politique nationale du pays et déclinés en objectifs stratégiques. Un Schéma Directeur pour l’eau et l’assainissement (SDEA) a spécialement été mis en place. Au vu des retards pris par le Tchad dans ce secteur, il a permis de donner une cohérence et une visibilité aux efforts engagés.
L’Etat tchadien, appuyé par ses partenaires, a aménagé de nouvelles zones d’irrigation et des installations en eau potable. Entre 2000 et 2015, 15'000 hectares de nouvelles cultures ont vu le jour et l’accès à l’eau potable est passé de 21% à 52%.
Pourtant, le taux de couverture national de ces actions reste faible. Le Tchad, pays sahélien, subit les effets négatifs du changement climatique. Il y a quarante ans, le Lac Tchad s’étendait sur 25’000 km2. Sa superficie s’étend aujourd’hui sur moins de 2'000 km2. Certains experts affirment que son asséchement laisse de la place pour l'agriculture, afin de nourrir une population qui a localement quadruplé. Mais pour combien de temps encore? Les populations qui s’installent au Lac Tchad fuient les effets négatifs du changement climatique dans leurs régions d’origine.
Comment la mise en œuvre du nouvel Agenda 2030 pour le développement durable peut améliorer la gestion et la préservation de l’eau?
L’agenda 2030 est un espoir pour le Tchad. Le pays s’est doté de sa propre contribution «Le Tchad que nous voulons», portée par le chef d’Etat. L’action nationale est structurée en trois plans quinquennaux. Le premier plan 2016-2020, en cours d’élaboration, prévoit un important travail sur l’accès à l’eau. Plus de 11 milliards de dollars seront alloués à deux programmes pour développer l’accès à l’eau et promouvoir une agriculture intensive et efficiente en eau. La priorité sera donnée aux zones défavorisées et de nouvelles sources de financement seront encouragées.
Quels sont les points qui doivent être spécifiquement travaillés pour que l’objectif 6 - Garantir l’accès de tous à l’eau et à l’assainissement et assurer une gestion durable des ressources en eau - soit atteint par le Tchad d’ici à 2030?
Pour atteindre l’objectif 6 de l’Agenda 2030, le Tchad doit redoubler d’effort et s’adapter à sa propre croissance démographique annuelle de 1,89%. Pour cela, le pays doit améliorer la connaissance de ses propres ressources et les différents besoins. Le Tchad doit renforcer l’élevage pastoral et intensifier les aménagements d’irrigation et d’abreuvement des bétails afin de pallier aux aléas climatiques. Les écosystèmes forestiers et aquatiques doivent être protégés. La réalisation de nouvelles installations hydrauliques dans les villes et les villages développeront l’accès à l’eau potable.